Ar Men, L'art africain contemporain à Brest

Ar Men, L’art africain contemporain à Brest

Ancien théâtre à l’italienne devenu cinéma, abandonné durant plus d’un quart de siècle, aujourd’hui galerie d’art, le Comœdia accueille l’exposition « Visions d’Afrique » jusqu’au 24 juillet. Elle présente une sélection rare d’œuvres d’artistes africains ou inspirés par l’immense continent.

par Alain-Gabriel Monot

 

L’art africain est en général peu connu. Par sa richesse, sa diversité, son audace, « Visions d’Afrique » s’impose comme une exposition de première ampleur pour réparer cette lacune qui est aussi une injustice. La directrice artistique des lieux, Adeline de Monpezat, le confirme : « Les « arts premiers » sont grandement appréciés, mais l’art africain actuel est largement méconnu et souvent empreint de clichés. Il n’existe pas un art africain uniforme et homogène, mais une diversité d’artistes qui possèdent chacun leurs techniques, leur sensibilité et leur imaginaire. » Décision a donc été prise de montrer la multiplicité de ces points de vue et des formes d’expression talentueuses qui les portent. L’adjectif « talentueuses » est d’ailleurs insuffisant, notre plaisir ne s’en contente pas. Sculptures, peintures, photographies, gravures, collages, cette exposition s’impose à nous dans le foisonnement des images, la riche variété des thèmes déclinés par les 23 artistes mis en lumière et leurs 140 oeuvres présentées au public. Africains ou Européens, ces créateurs expriment avec force le lien joyeux, pensif ou tourmenté, qu’ils ont avec l’Afrique.

 

L’ÉMERGENCE DE GRANDS ARTISTES

Depuis un demi-siècle et particulièrement ente 1980 et 1990, de grands artistes africains sont sortis de l’ombre. Quelques expositions leur ont été consacrées, à Paris : Beaubourg en 1989, la Grande Halle de la Villette en 2005, la Fondation Cartier et la Fondation Vuitton à partir de 2015. L’exposition brestoise est donc une « première » en Bretagne. Les peintres ou les collagistes, appartenant au mouvement de « l’art populaire », sont souvent ceux qui retiennent d’abord notre regard. Refusant l’académisme et l’aristocratie de l’art, ils veulent peindre « pour tout le monde ». Leurs ateliers congolais sont souvent installés à même la rue. Pierre Bodo, aujourd’hui disparu, et son fils Bodo Bodo M’pambu, dit « Bodo Fils », empruntent au registre surréaliste, volontairement très décalé. Manière pour eux de s’abstraire des conventions picturales classiques et de revenir souvent au monde de l’enfance, mystérieux et magique, fantaisiste et impénétrable. De la même manière, mais par le biais de collages, Franklin Mbungu triture et superpose les couches de papier, les mêle et entremêle pour créer un monde « onirique, flamboyant », reflet de la vie animée, vibrante, nocturne de Kinshasa. Kwame Akoto, dit « Almighty God », n’est plus à présenter. Ce peintre, né en 1950 au Ghana, est connu depuis les années 1980 en Europe et aux États-Unis. Spécialiste de l’autoportrait, de la représentation des diables et des démons, il appartient au petit monde des créateurs d’exception dont certaines oeuvres ont été acquises récemment par le Musée du Quai Branly-Jacques Chirac. Kouka Ntadi, pour sa part, travaille l’art du portrait en favorisant délibérément la spontanéité, les imperfections, les coulures. Issus de la scène française ou bretonne, le peintre et sculpteur Jean-Yves André, le photographe Benjamin Deroche, le graveur Thomas Godin, le peintre Loïc Madec, le céramiste Marc Piano, le sculpteur Vincent de Monpezat cultivent leurs visions d’Afrique dans la représentation des paysages mentaux qui les parcourent, les habitent.

Retrouvez cet article en intégralité dans la revue Ar Men de Mars-avril 2021. 

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